La lettre « Naturalité » de novembre est parue !

La lettre « Naturalité » de novembre est parue !

Le Parc National du Groenland s’étend sur une surface équivalente à presque deux fois celle de la France.
L’existence de zones vierges de cette taille a quelque chose de rassurant. Il existe encore des territoires où la vie sauvage peut s’exprimer sans la contrainte humaine.
Mais, autre sujet de satisfaction, quand l’homme se retire, spontanément, la nature reprend ses droits. Ensauvagement ou réensauvagement ? Une belle démonstration de Jean-Claude Génot montre que derrière les mots, les réalités sont diverses. A lire pour tenter de parler la même langue ! Et rêver en silence avec ce beau numéro de Naturalité.
Gilbert Cochet
De nouvelles acquisitions de forêts en libre évolution pour ETATS SAUVAGES

De nouvelles acquisitions de forêts en libre évolution pour ETATS SAUVAGES

L’association ETATS SAUVAGES a acquis cet été, deux nouvelles forêts qui viennent rejoindre son réseau de réserves forestières. La première de 3,4 ha est située en région Basse-Normandie, dans le parc naturel régional du Perche, et la seconde d’1,2 ha, en Ile-de-France, dans le parc naturel régional du gâtinais français, au cœur du massif de Fontainebleau. Deux lieux de forêts emblématiques propices à la création de refuges pour la biodiversité.

Située en zone Natura 2000 la forêt de Normandie est composée d’essences de feuillus (frênes, aulnes, bouleaux, châtaigniers…), et intégrée dans une étendue boisée installée sur un ancien marais. Cette zone humide se situe sur la ligne de partage des eaux entre la Manche et l’Atlantique, qui donne naissance à plusieurs cours d’eau et fleuves.

La seconde forêt située à Fontainebleau, en région Ile-de-France, possède des caractéristiques uniques en raison de la combinaison de sols sableux et de formations rocheuses. Ce massif est réputé pour sa remarquable biodiversité. Il abrite par exemple la faune d’arthropodes la plus riche d’Europe (3.300 espèces de coléoptères, 1.200 de lépidoptères) ainsi qu’une soixantaine d’espèces végétales protégées. Il offre en outre une grande diversité d’habitats, permettant la création de niches écologiques pour de nombreuses espèces.

Avec ces nouvelles acquisitions, ce sont désormais 4 forêts pour une surface totale de 14,5 ha, qui sont laissées en libre évolution par ETATS SAUVAGES.

L’arbre a-t-il besoin de la main de l’humain ?

L’arbre a-t-il besoin de la main de l’humain ?

Les membres de l’association Libre Forêt nous ont donné rendez-vous au bois des Roches, à Messein, à une quinzaine de kilomètres de Nancy. Une forêt communale de 25 hectares qui n’est pas totalement en libre évolution, car il y a des sentiers, mais qui n’a pas été touchée depuis la tempête de 1999.

Laisser des parcelles en libre évolution, sans intervention humaine : c’est l’objectif que s’est fixé l’association, qui regarde de l’autre côté de la frontière, en Allemagne, où 10% des forêts publiques sont en réserve intégrale selon Jean-François Petit, président et fondateur de Libre forêt. « Il y a cinq stades dans la libre évolution », nous explique-t-il, « la croissance, la maturité écologique, la sénescence, puis l’écroulement. Ensuite, il y a la régénération« .

« C’est à la nature de décider »

Un exemple de régénération devant nous, justement : « il y a un petit charme, un petit érable champêtre, un petit frêne. Le forestier, son métier, c’est de dire : ‘celui là est plus beau que les autres, donc je vais favoriser sa croissance’. Et il va couper les autres. En libre évolution, on va les laisser se batailler. C’est à la nature de décider« .

Les bénévoles de Libre forêt rachètent des parcelles, grâce à des dons, et les laissent en libre évolution.
Les bénévoles de Libre forêt rachètent des parcelles, grâce à des dons, et les laissent en libre évolution. 

© Radio France – Cécile Bidault / France Inter

Pour Libre Forêt, la biodiversité a besoin de forêts qui respirent. « Regardez ce chêne« , lance Jean-François Petit, « il est mort et il est creux. Un chêne de ce diamètre-là peut accueillir jusqu’à 2500 espèces d’animaux, de végétaux, de champignons… Si on l’abat, on perd cette biodiversité« .

Un peu plus loin, un hêtre, on le mesure : 3,5 mètres de circonférence. « Il doit avoir entre 150 et 180 ans« , estime Jean-François Petit. « La durée de vie des arbres en France aujourd’hui est inférieure à l’espérance de vie des hommes. A cause de la tronçonneuse. Alors, je ne remets pas tout en cause, on ne veut pas mettre les forêts de Lorraine sous cloche. Ce sont des îlots qui permettent à la forêt de se régénérer, et d’être tranquille« .

Ce hêtre, de plus de trois mètres de circonférence, doit avoir entre 150 et 180 ans.
Ce hêtre, de plus de trois mètres de circonférence, doit avoir entre 150 et 180 ans. 

© Radio France – Cécile Bidault / France Inter

Lutte contre le changement climatique

Parmi les autres arguments de l’association : le stockage de carbone serait plus efficace dans une forêt en libre évolution que dans une forêt exploitée. En cas d’incendie, assure-t-elle, une forêt dont tous les arbres n’ont pas le même âge et la même taille peut ralentir la progression des flammes.

Libre forêt possède trois parcelles après deux ans d’existence : deux en Moselle, une en Meurthe-et-Moselle, achetées grâce à des dons. « Nous avons des donateurs partout en France« , se réjouit Jean-Marc Collin, trésorier et secrétaire de l’association, « on le fait pour nos enfants, et pour la sauvegarde de la planète« .

Utopie ?

Jean-François Petit le reconnaît : son projet peut paraître « utopique« . Ce qui l’anime ? « La beauté, la vie. Car la vie de l’humain est intrinsèquement liée à la survie de la forêt. Il faut la protéger« .

ETATS SAUVAGES au micro de EN FORÊT

ETATS SAUVAGES au micro de EN FORÊT

ETATS SAUVAGES était au micro du média indépendant Le Zéphyr qui a lancé le podcast « EN FORÊT » courant septembre. Une émission qui part à la rencontre des nombreux citoyens -naturalistes, ingénieurs, grimpeurs, forestiers – qui se mobilisent pour prendre soin des forêts et les protéger. Julie de Saint Blanquat, présidente-fondatrice d’ETATS SAUVAGES participait au premier numéro.

La prévention des incendies doit-elle remettre en cause la libre évolution des forêts ?

La prévention des incendies doit-elle remettre en cause la libre évolution des forêts ?

Les incendies de l’été 2022 en France ont été d’une violence inouïe. Il est donc normal, après de tels épisodes, de se poser des questions en termes de prévention. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des incendies doit-elle remettre en question la présence de forêts en libre évolution ?
Les associations de la Coordination Libre Evolution répondent.

Incendies : la monoculture en question

Les incendies qui ont touché les Landes de Gascogne l’été dernier ont marqué les esprits, atteignant des dizaines de milliers d’hectares. Le constat est effrayant. Mais peut-on comparer la « forêt » des Landes à  une forêt naturelle ?

Il est important de comprendre que la « forêt » des Landes n’est pas une véritable forêt mais une plantation, un champ d’arbres. Cette « forêt » est essentiellement composée de pins maritimes, des résineux naturellement inflammables et dont la reproduction naturelle est stimulée par le feu (on les qualifie pour cela de « pyrophiles »). En outre, comme les arbres ont presque tous le même âge, la propagation du feu par les houppiers de même hauteur est facilitée, ce qui aggrave l’intensité des incendies (feux de cimes). Enfin et surtout, ces pins ont été plantés sur d’anciennes zones humides et des tourbières asséchées par un drainage excessif. Ces sols organiques asséchés sont connus pour brûler en profondeur. Les feux sont aussi facilités par la litière des aiguilles, qui est hydrophobe. Tout se conjugue donc pour que les feux soient fréquents et difficiles à maitriser !

Et pourtant, les forêts des Landes étaient à l’origine composées d’espèces feuillues : chênaies, aulnaies ou saulaies selon l’humidité des lieux, dont l’ensemble constituait de véritables pare-feu.

Forêts en libre évolution : résistance et résilience

Autre réalité, autre lieu : les Canaries, en proie à des sécheresses intenses depuis quelques décennies. L’incendie qui a ravagé 10 % de l’île de la Gomera en 2012 s’est arrêté aux portes de la forêt primaire1. Alors pourquoi une telle différence ?
Les forêts naturelles en libre évolution, extrêmement diversifiées en espèces d’arbres, résistent très bien aux incendies. D’abord parce qu’elles sont principalement composées de feuillus, beaucoup moins inflammables que les résineux. Ensuite parce qu’elles sont peuplées d’arbres d’âges très variés. Les gros arbres agissent en dissipateurs de chaleur. En effet, plus un arbre est âgé, plus son écorce est épaisse et plus il est résistant aux flammes.
Une forêt naturelle comporte de nombreux étages de végétation, qui permettent de retenir l’humidité et de freiner le vent. Les sous-bois denses de feuillus entretiennent une atmosphère humide.
En plus de l’évapotranspiration du couvert forestier dense, les gros bois morts sont riches en eau, qu’ils restituent au sous-bois. Enfin les sols profonds des forêts en libre évolution retiennent les eaux de pluie.

Faut-il systématiquement entretenir les forêts ?

Prévenir ces feux passerait-il alors par une meilleure gestion des forêts, régulièrement débroussaillées ? Dans la « forêt » des Landes, où le sous-étage est absent ou régulièrement éliminé, de nombreuses pinèdes ont malgré tout été totalement détruites.  L’entretien récurrent de la forêt, au sens sylvicole, est donc assurément un faux débat. Dans ce contexte, il ne faut pas oublier que 90% des départs de feu sont d’origine anthropique2. Or les forêts débroussaillées favorisent la pénétration humaine et les comportements irresponsables.
Même une forêt méditerranéenne dense et peu pénétrée ne brûle que très rarement à l’état naturel. Hélas, les forêts méditerranéennes en bon état de conservation écologique sont rares.

Bien sûr, au-delà d’une certaine puissance du feu, toutes les forêts brûlent, qu’elles soient artificielles ou naturelles. Cela n’empêche pas que ces dernières résistent mieux à une partie des incendies que les premières.

Une relation à la nature qui doit évoluer

Le changement climatique et les mégafeux font apparaître un vrai questionnement sur notre relation à la nature. L’humain va-t-il continuer à se penser comme responsable de la biodiversité et des décisions ou bien va-t-il enfin miser sur la nature et sa résilience ? Voilà des millions d’années que la forêt existe. Elle a su surmonter tous les bouleversements climatiques et nous voudrions la gérer partout ?

Offrons 10% de notre territoire à la nature, sans intervention humaine. Redonnons de la place au vivant !

1 Angel Fernandez Lopez, conservateur du parc naturel Garajonay à la Gomera  www.vieillesforets.com
2 https://www.ecologie.gouv.fr/prevention-des-feux-foret

 

Associations signataires :

  • Francis Hallé – Association Francis Hallé pour la forêt primaire – Président
  • Gilbert Cochet – Forêts Sauvages – Président
  • Valérie Thomé – Animal Cross – Vice-présidente
  • Julie  de Saint Blanquat – Etats Sauvages – Présidente
  • Marc Giraud – Association pour la protection des animaux sauvages ASPAS – Porte-Parole
  • Michel Jarry – France Nature Environnement Auvergne Rhône-Alpes  – Président
  • Gwenola Kervigant – Bretagne Vivante – Présidente
  • Michèle Grosjean – Alsace nature – Présidente
  • Jean-François Petit – Libre Forêt – Président
  • Jean-Marie Ouary – Mille Traces – Cofondateur
  • Alexandre Patureau – Wild Bretagne
  • Toby Aykroyd – Wild Europe – Directeur
  • Emmanuel Forrichon – FNE Occitanie Pyrénées – Vice président
Forêt et feu

Forêt et feu

texte traduit par JC Génot et en ligne sur le site de la European Wilderness Society

La relation entre forêt et feu est complexe. Elle présente deux aspects : la destruction et la régénération. Les feux peuvent être catastrophiques et ils sont aussi essentiels pour les écosystèmes forestiers. Des feux contrôlés élimine des débris secs,
favorise la régénération et améliore la biodiversité.
Cependant, des feux incontrôlés constituent une sérieuse menace, détruisant de vastes paysages, mettant en danger la vie sauvage, et compromettant des vies humaines. Le changement climatique exacerbe la fréquence et l’intensité de ces
incendies, nécessitant une meilleure prévention et des stratégies de gestion.

Pourquoi nous haïssons le feu en forêt?

Notre aversion pour les feux de forêt est liée à la potentielle dévastation qu’ils causent. Les forêts sont des écosystèmes complexes, grouillant d’une faune et d’une flore diverse, crucial pour le maintien de l’équilibre écologique de la Terre. Les feux
incontrôlés peuvent effacer de vastes parties de ces habitats inestimables, mener à une perte de biodiversité, provoquer des déplacements de la faune sauvage, ainsi qu’une dégradation des sols. Des vies humaines et des propriétés sont aussi
menacées quand les feux s’étendent de façon incontrôlable.
Historiquement, les forêts étaient vénérées, et les feux contrôlés étaient utilisés comme un outil permettant la croissance et le renouvellement. Cependant, dans notre civilisation avancée, les feux sont devenus synonymes de désastre à cause des
activités humaines, du changement climatique. En conséquence, le feu de forêt est devenu une crainte.

Il y a 9000 ans l’attitude de l’homme vis-à-vis des feux de forêt différait probablement de la perception actuelle.
Est-ce que l’homme haïssait les feux de forêt il y a 9000 ans?
Il y a 9000 ans, l’attitude des humains face aux feux de forêt était probablement différente de celle d’aujourd’hui. Les sociétés de chasseurs-cueilleurs avaient compris l’importance du feu pour leur survie. Ils utilisaient une forme de feu contrôlé pour gérer le paysage, favoriser une nouvelle croissance de la végétation, et attirer le gibier pour la chasse. Les feux ont ainsi joué un rôle vital dans la structure des écosystèmes.
Ils respectaient et exploitaient les bénéfices du feu, et ils reconnaissaient aussi les dangers des incendies naturels, qui pouvaient menacer leur communauté et leur ressources. Cependant, avec une faible population humaine et une relation à la nature plus intime, leur rapport au feu de forêt relevait probablement de l’équilibre. L’adaptation et l’appréciation de la signification du feu étaient des éléments fondamentaaux de leur vie.

Est-ce que l’homme haïssait les feux de forêt il y a 3 000 ans?

Il y a 3000 ans, la relation des humains au feu de forêt a probablement été fonction de leur compréhension, de leur culture, et de leurs expériences. Très tôt les civilisations humaines ont reconnu le pouvoir et l’importance du feu pour la survie, utilisant les feux contrôlés pour des raisons diverses comme la chasse, l’agriculture, et l’ouverture des milieux. Cependant, ils craignaient aussi les feux non contrôlés, qui pouvaient détruire de précieuses ressources et menacer leurs communautés.
Les anciens mythes et le folklore représentent souvent le feu comme une force de la nature, représentant à la fois la création et la destruction. Tandis que des communautés pouvaient vénérer le feu, d’autres s’en méfiaient et même le craignaient. Avec des connaissances et des techniques limitées, l’atténuation des feux naturels était un défi, rendant leur impact plus redoutable.

Comment les gens perçoivent le feu aujourd’hui?

Aujourd’hui les perceptions des feux de forêt sont multiples. D’une part, nous reconnaissons le potentiel destructif des feux non contrôlés, occasionnant souvent des dommages immenses aux écosystèmes, à la vie sauvage, aux propriétés et aux vies humaines. D’autre part, la prise de conscience croissante de la nature a mis en évidence le rôle positif des feux contrôlés dans le maintien de la santé des forêts.
Les brûlis dirigés sont utilisés pour nettoyer les sous-bois, réduire les éléments combustibles et stimuler une nouvelle croissance, favorisant ainsi la biodiversité.

Conclusion

La forêt et le feu relèvent d’une interaction complexe entre ces deux éléments naturels. Les brûlis dirigés peuvent bénéficier aux forêts, mais les feux incontrôlés présentent des dangers significatifs.
Dans l’ensemble, les opinions contemporaines reflètent un mélange de peur, de vigilance et une appréciation de l’équilibre délicat entre l’exploitation des avantages du feu et la prévention des dommages potentiels .
La forêt que nous connaissons a survécu grâce au feu depuis des millénaires. Le feu a joué un rôle clé dans la survie des forêts à travers l’histoire. Le concept de brûlis dirigé a été développé par l’homme, non pas pour promouvoir la biodiversité mais pour minimiser les dommages causés par le feu.

Vlado Vancura
Société Européenne de la Wilderness

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