ENTRETIEN « Les penseurs du vivant » (4/12).
Le réensauvagement, qui consiste à protéger un environnement afin qu’il retrouve son fonctionnement naturel, porte ses fruits, explique les naturalistes Béatrice Krémer-Cochet et Gilbert Cochet. Cette nouvelle alliance entre les hommes et la nature permet à la biodiversité de revenir.
Auteurs de L’Europe réensauvagée. Vers un nouveau monde (Actes Sud, 2020), les naturalistes et photographes Béatrice Kremer-Cochet et Gilbert Cochet arpentent, depuis plus de vingt ans, les réserves de vie sauvage du monde entier et achètent collectivement des espaces autrefois exploités et désormais laissés en libre évolution.
De quelle manière la nature sauvage regagne-t-elle du terrain en France et en Europe ?
Nous assistons à une situation contrastée. En effet, dans nos campagnes, l’utilisation de pesticides, d’engrais chimiques et la destruction des habitats (haies, prairies naturelles, marais…) ont fortement affecté la biodiversité. De fait, nos rivières sont eutrophisées, c’est-à-dire trop bien nourries, et les algues se développent. Leur décomposition naturelle consomme du dioxygène et entraîne l’asphyxie d’une partie de la faune aquatique. De même, la surpêche en mer est tout bonnement une folie, notamment par l’utilisation du chalut.
Mais, dans le même temps, certaines espèces iconiques, qui avaient disparu à la suite d’une intense persécution, reviennent. Soit spontanément, comme le loup, le phoque-veau marin, le phoque gris, la cigogne noire, la spatule blanche, la grue cendrée, la grande aigrette, l’ibis falcinelle, le pygargue à queue blanche, la tortue caouanne… soit grâce au coup de pouce de l’homme, qui a, par exemple, réintroduit les deux espèces de bouquetins (celui des Alpes et l’ibérique), le lynx, le gypaète et le vautour moine.
Une approche novatrice du rapport entre l’homme et le vivant non humain, une nouvelle alliance en quelque sorte, permet au monde sauvage de regagner une partie de ses bastions historiques. Par ailleurs, l’abandon des terres agricoles les plus difficiles à exploiter, notamment en montagne, a entraîné le retour spontané de la forêt, redevenue propice pour les ongulés (cerf, chevreuil, sanglier…) et leurs prédateurs (ours, loup, lynx, aigle royal…). Ces listes, incomplètes, montrent l’incroyable résilience des espèces dès lors qu’on leur laisse une place.
Pourtant, avec les associations Forêts sauvages et Aspas (Association pour la
protection des animaux sauvages), vous avez voulu acquérir collectivement des terres afin de les laisser en « libre évolution ». Qu’est-ce que le réensauvagement ?
Le réensauvagement consiste à protéger un environnement et à lui permettre de retrouver son fonctionnement naturel. Les acquisitions réalisées par l’Aspas et Forêts sauvages permettent d’augmenter à la fois le nombre de sites protégés dans notre pays, et de leur offrir une protection stricte, sans compromis. Certaines de nos acquisitions, comme « Vercors Vie Sauvage », peuvent rivaliser en surface avec des réserves naturelles nationales comme l’île de la Platière, sur le Rhône, ou les Ramières de la Drôme : chacun de ces espaces protégés couvre environ 500 hectares.
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